Une Architecture Fonctionnelle
Avant le 18e siècle, Quintin est encore une ville close, entourée de remparts défensifs, percés de portes d’accès. Une de ces portes, située au nord se nomme « La Porte à la Rose », probablement en raison de son orientation cardinale. Cette porte est un accès entre deux tours, à l’instar de la Porte Neuve encore visible aujourd’hui.
L’auberge de la Porte à la Rose n’est donc pas placée n’importe où dans la ville de Quintin : elle se trouve à une entrée, mais également à la jonction entre le Cardo et le Decumanus, c’est-à-dire les deux axes principaux de circulations Nord-Sud et Est-Ouest (la rue de la Belle Etoile et la Grande rue). Cet emplacement lui assure passage et visibilité, ce qui est particulièrement avantageux pour le commerce.
Sans avoir fouillé les archives, nous avons peu d’informations quant à l’histoire de l’auberge. On ignore encore qui l’a commandé, quand et qui l’a construite. En revanche, son architecture nous offre quelques clés de datation et de fonction. En effet, le plan de l’auberge possède les caractéristiques du bâti à fonction de commerce sur rue, avec logement à l’étage, ce qui est parfaitement cohérent avec le choix de l’emplacement urbain.
Auberge Et Bureau De Mesure ?
L’observation de l’architecture de l’auberge de la Porte à la Rose confirmerait donc une construction au 17e siècle, à l’usage commercial.
La consultation de la bibliographie nous informe que dès 18e siècle, il s’agit effectivement d’une auberge : en novembre 1740, le commissaire chargé de la surveillance des toiles, un dénommé Fleury, remarquant qu’un certain nombre de toiles ne portaient « la marque d’aucun bureau », se rend à l’Auberge de la Porte à la Rose, et y prend sur le fait un marchand en possession de toiles non estampillées.
Signalons qu’à cette époque, dans les manufactures de toiles telles que Quintin, des auberges ou des maisons de particuliers servent souvent de bureau de mesure.
Et, en l’occurrence, la tradition orale veut que l’Auberge de la Porte à la Rose ait abrité la table de mesure :
« L’estampillage des toiles au bureau de marque avait lieu à Quintin dans les auberges de la ville après la clôture du marché. L’auberge à la Rose, du nom de la porte nord de la ville, dite « à la Rose », avait une table des mesures. Les tisserands et les marchands venaient là pour mesurer leurs toiles. Elle est aujourd’hui conservée dans le musée des toiles de Quintin3. »
Cependant, autant comme la table a été conservée et est actuellement visible à la Fabrique Atelier du Lin, seule la consultation des archives permettrait de confirmer ou non l’utilisation de l’Auberge comme bureau de mesure.
Un Monument Peu Remanié
Du 18e au 20e siècle, l’Auberge conserve sa fonction de commerce et d’habitation4, bien que progressivement le débit de boisson prenne le pas sur l’hébergement des voyageurs : au 19e siècle, l’auberge de la Porte à la Rose devient un café.
Du 19e au 20e siècle, elle connait quelques modifications : changement des cheminées, menuiseries, tapisseries, réaménagement. Ces interventions, souvent réalisées avec peu de moyens, se sont concentrées sur l’intérieur du bâtiment, afin de l’adapter au confort moderne.
Les cartes postales anciennes, glanées en ligne et auprès de Julien Paraiso, médiateur à la Fabrique Atelier du Lin, confirment que l’auberge a connu peu de changements extérieurs depuis que la photographie est arrivée à quintin :
– Ajout d’une lucarne entre les années 1910’ et 1930’.
– Modifications de l’enseigne : « café Jouny », « la Cardinale » puis « café du centre ».
– Quelques travaux d’entretien et réparation : le faitage a été refait, remplacement de la porte d’entrée dans les années 1930…
En 1951, l’auberge bénéficie d’une première protection, par son inscription à l’inventaire supplémentaire des Monuments historiques.
La décoration actuelle date des années 1970’. Notamment les tapisseries (1974 datées par feuilles de journal), ainsi que les équipements sanitaires et l’électricité.
En 1977, M. Jean de Bagneux, sénateur-maire de Quintin intervient afin de faire renforcer la protection Monument historique par un classement. Mesure qu’il réclame directement au conservateur, à Rennes. En effet, l’auberge est alors en mauvais état, et ses propriétaires peinent à assurer les travaux : M. de Bagneux déclare dans son courrier qu’il ne se « consolerait pas de voir ces immeubles disparaitre » insiste à plusieurs reprises, avant d’obtenir le classement au titre des Monuments historiques des façades et de la toiture de l’auberge, par arrêté du Ministre de la Culture et de l’Environnement du 21 décembre 1975.
En définitive, l’Auberge de la Porte à la Rose est assez peu documentée. Pourtant, son emplacement à quelques mètres de la porte à la Rose lui confère un intérêt historique indéniable, témoin visible de l’évolution urbaine de la ville de Quintin.
Elle possède de nombreux points communs avec le corpus de maison datées du 17 e siècle, ce qui confirme la datation avancée par la notice de protection au titre des Monuments historiques. Sa fonction a visiblement toujours été commerciale et il s’agit d’un établissement de boisson depuis le 18e siècle.
Au niveau de sa structure, l’auberge de la Porte à la Rose n’a subi que très peu de modifications. Ce qui fait également son intérêt : elle n’a pas été dénaturée dans sa composition architecturale. Pourtant son état de conservation s’est largement dégradé ces dernières années : il est aujourd’hui urgent d’agir avant que des désordres plus lourds ne contraignent une intervention plus poussée qui n’aurait d’autre choix que de toucher à des éléments de bâtiment qui sont aujourd’hui d’origine.
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